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Tourisme oenologique

La Suisse, son chocolat, ses fromages… et bientôt ses vins ?


AFP le 18/07/2019 à 13:23

Quand on pense à la Suisse, c'est surtout pour son chocolat et ses fromages. Mais les vins helvètes veulent à leur tour ravir les papilles à l'international, en misant désormais sur l'excellence

La discrétion des vins suisses à l’étranger est à l’image de celle de la Fête suisse des Vignerons, qui se déroule du 18 juillet au 11 août : une fête organisée tous les 20 à 25 ans depuis la fin du 18e siècle et dont peu de gens connaissent l’existence hors de Suisse, bien qu’elle soit grandiose. Il s’agit de la première tradition vivante helvétique à avoir été inscrite au Patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’Unesco. Ce spectacle musical en plein air organisé se déroule à Vevey, au coeur des vignobles de Lavaux, dans une arène pouvant accueillir chaque soir 20 000 spectateurs : plusieurs milliers de figurants y racontent en une vingtaine de tableaux une année dans la vie de la vigne.

L’occasion pour cette terre viticole méconnue de faire parler d’elle. « On a d’excellents cépages (uniques), je pense notamment au Completer, un blanc des Grisons quasiment microscopique en termes de production. Il y a aussi l’Amigne, produite dans le Valais également, le Cornalin, l’Humagne », s’enthousiasme Damien Leclerc, directeur commercial du caviste Lavinia à Genève. Mais « la Suisse, c’est un petit jardin en termes de production. En comparaison, la superficie viticole du Valais (première région viticole du pays) est comme le vignoble de Saint-Émilion en France », observe ce sommelier de formation. En 2018, la surface viticole totale s’élevait en Suisse à moins de 15 000 hectares contre environ 800 000 en France.

1 % des vins suisses sont exportés…

Alors que la consommation nationale de vin baisse, la Suisse cherche depuis des années à conquérir des marchés à l’international et a des atouts indéniables pour les séduire – diversité des terroirs, de ses microclimats, cépages indigènes -, soulignent des acteurs du secteur. Dans le Lavaux, région viticole où quelque 200 vignerons se partagent seulement 800 hectares de terre, les vignes locales en terrasse, classées au Patrimoine mondial depuis 2007, sont construites à flanc de coteau et s’étendent majestueusement sur près d’une trentaine de kilomètres sur les hauteurs du Lac Léman, entre Lausanne et Montreux, face aux Alpes. Au coeur des vignobles, le Centre de découverte des vins du Lavaux, à Rivaz, accueille chaque année des milliers de visiteurs, dont près de 80 % d’étrangers, surtout asiatiques, explique à l’AFP sa gérante, Monica Tomba.

Mais beaucoup repartent déçus de ne pas pouvoir retrouver ces vins suisses à l’étranger, assure-t-elle. Car très peu de producteurs suisses ont osé se tourner vers l’international. Exporter exige d’y consacrer du temps et baisser les coûts pour conquérir les marchés étrangers s’avère délicat : la récolte n’est pas aisée car la vigne suisse est souvent plantée en terrasse ou en pente, tout se fait à la main sans machine, effeuillage, dégrappage, vendange, et la main-d’oeuvre coûte cher. Pour s’imposer hors des frontières suisses, les vignerons « seraient obligés de casser leurs prix » afin de pouvoir rivaliser avec les vins étrangers, ce qui relève de l’impossible pour les petits domaines familiaux du Lavaux, explique Mme Tomba. Pour l’instant, moins d’1 % de la production de vins suisses est exporté, selon l’Observatoire suisse du marché des vins. En cause, la réticence financière des vignerons, mais aussi le choix de vins d’export d’une faible qualité et une demande intérieure encore suffisante qui ne pousse pas assez à se diversifier… 

… jusqu’à Manhattan !

Pour changer la donne, Swiss Wine Promotion, l’organisme mandaté par l’Interprofession de la vigne et du vin suisse, développe depuis cinq ans une nouvelle stratégie ciblant des produits de haute qualité, indique son directeur, Jean-Marc Amez-Droz. Lors des activités de promotion, « on ne va plus prendre un Fendant (l’appellation la plus connue de Suisse), une Dôle (autre appellation du Valais) ou un vin bon marché », mais des « produits de niche »», dit-il. « On a constaté que si on présente un Cornalin ou une Petite Arvine à 30 ou 40 francs (27 à 36 euros), il n’y a pas de discussion, alors que si on présente un chasselas courant à 5 francs (4,50 euros), les gens trouvent que c’est trop cher », fait-il valoir.

Michael Ganne, directeur de la maison d’enchères genevoise spécialisée Baghera Wines, conseille de « créer un dynamisme » autour d’une dizaine de « vignerons phares » produisant des vins haut de gamme. Mais il n’existe pour l’instant que très peu de stars telles que Marie-Thérèse Chappaz ou Martha et Daniele Gantenbeim, présents à la carte de grands restaurants internationaux. Un paradoxe alors que « les plus grandes familles de vignerons » d’Europe viennent se former en Suisse à la Haute école de viticulture et d’oenologie de Changins, relève le Français Damien Leclerc. Installée dans le Valais, Sandrine Caloz, 30 ans et déjà classée vigneronne bio suisse de l’année 2019, a elle déjà franchi le pas vers l’export, après avoir été démarchée par un importateur américain. « Le fait que des bouteilles de notre vin se retrouvent sur de belles tables à Manhattan, ça crédibilise aussi et surtout nos vins pour la clientèle suisse », glisse-t-elle.