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Champagne

En Île-de-France aussi, c’est l’heure des vendanges


AFP le 06/09/2022 à 11:25

(©GettyImages)

« Clac », « clac », « panier ! » : comme partout en Champagne, les sécateurs s'activent pour vendanger les parcelles des familles Bombart et Ernould, à un détail près... Ces quelques hectares de vignes se trouvent en Île-de-France, à 75 km de Paris.

Pour dénicher où poussent ces prestigieux raisins, il faut s’extirper du brouhaha parisien, piquer vers l’Est, attendre que la kyrielle d’entrepôts s’évanouisse pour que se dessine, aux confins de la Seine-et-Marne, trois villages de la Vallée de la Marne. Saâcy-sur-Marne, Nanteuil-sur-Marne et Citry sont les seuls trois crus de l’appellation d’origine contrôlée (AOC) Champagne à se situer en Île-de-France, sur un sol argilo-calcaire propice au pinot meunier, qui confère au vin des notes vives et fruitées.

À Saâcy-sur-Marne, Vincent Ernould est en pleine effervescence. Les vendanges ont commencé vendredi sur les deux hectares du vignoble familial. « C’est une belle année, on a du raisin ! Les grappes ont des grains assez homogènes, l’état sanitaire est parfait », se réjouit-il. « Personne n’imagine qu’on fait du champagne en Île-de-France, en Seine-et-Marne. Pour beaucoup le champagne, c’est la Marne, un petit peu l’Aisne », confie ce vigneron de 39 ans qui a repris, avec son frère et sa sœur, le flambeau du patriarche. « Par passion », précise Vincent Ernould, dont l’activité principale reste l’immobilier.

Entre les ceps, une dizaine de vendangeurs s’activent dans un ballet précis et rythmé. « Les gens ne sont pas forcément au courant qu’il y a des vignerons en Seine-et-Marne, on leur apprend, c’est marrant ! », confirme Sandra Bansept, 28 ans, sécateur orange et seau à la main. « C’est dur mais ça fait du bien ! Ici, j’ai pas de téléphone, je lâche tout… La nuit, on ferme les yeux et on rêve de raisin », sourit la jeune femme, qui réside à proximité. Elle participe aux vendanges depuis dix ans, stimulée par « la bonne ambiance ».

« Micro-terroir »

Sur plus de 15 000 vignerons qui composent la champagne viticole, « seuls 13 exploitants sont répertoriés dans le département », comptabilise le Comité Champagne, l’organisme interprofessionnel de l’appellation. « Le tout représente 92 hectares en production, soit 0,27 % du vignoble champenois total », précise cette source. Également établi à Saâcy-sur-Marne, Gauthier Bombart, 27 ans, se souvient de ses études viticoles, à lever la main pour rappeler l’existence du territoire francilien. Désormais le champagne Hervé Bombart – du nom de son père dont il assure peu à peu la relève – figure à la carte d’un restaurant étoilé des Yvelines.

« Pendant longtemps, ça a été un défaut (d’être en Seine-et-Marne, NDLR), on nous a reproché d’être loin, d’être sur un terroir peu connu, et aujourd’hui c’est une vraie force dans le sens où on a une vraie identité », estime-t-il en présentant ses cuvées. Un champagne est « le reflet d’un terroir et la façon dont on l’a travaillé », souligne ce passionné d’œnologie, « fier de pouvoir représenter un micro-terroir » de ce côté-là de la Champagne. De son côté, Vincent Ernould vend 90 % de sa récolte, après pressurage des grappes sur l’exploitation, à une maison de négoce à Épernay (Marne), pour être incorporée dans différentes marques reconnues.

Lui aussi a dû batailler contre « les a-priori ». « Comme de dire que les bons champagnes viennent de la grande Champagne, Reims, Épernay, la Côte des Blancs… Et pas des crus périphériques. Mais moi, je dis strictement le contraire. Il y a des champagnes à 10 km alentours qui n’ont rien à envier aux grandes maisons. » « Chaque vigneron est unique, chaque vigneron a sa propre culture, sa propre façon philosophique de faire le vin et de travailler dans ses vignes parce qu’il ne faut pas oublier que tout part de là », rappelle Gauthier Bombart.

A ce jour, 60 % du raisin récolté lui permet de produire 30 000 bouteilles. L’autre partie est vendue au négoce. À l’avenir, le jeune homme ambitionne de produire plus de bouteilles sur l’exploitation seine-et-marnaise et de continuer ainsi à valoriser les crus les plus confidentiels de cette appellation mondialement connue.