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Viticulture

Deux viticulteurs face à l’assurance récolte : « On ne s’y retrouve pas »


AFP le 08/06/2022 à 11:10

L'un ne voit « aucun intérêt à s'assurer », l'autre ne s'y « retrouve pas assez » : deux viticulteurs du Gers, tous deux frappés par la grêle ces derniers jours, ne mâchent pas leurs critiques contre le système actuel d'assurance récolte.

« Aujourd’hui, je n’ai aucun intérêt à m’assurer », affirme à l’AFP Jean-Luc Lapeyre, viticulteur à Montréal-du-Gers, où la grêle a durement endommagé ses vignes vendredi, lors d’un orage d’une violence « jamais vue » dans la région.

À 50 ans, l’héritier de trois générations de viticulteurs n’en démord pas : comme 80 % des viticulteurs français, « cela fait dix ans que je ne m’assure plus, parce que ce n’est pas intéressant pour moi ».

Sur ses 45 hectares, il produit du vin blanc, du rouge et de l’armagnac. C’est grâce à cette eau-de-vie qu’il ajuste ses bilans, au prix de plus d’heures de travail, mais « en sachant exactement » où il va.

Dans le système actuel d’assurance, qui évoluera en 2023, rien ne lui convient : le régime public de calamité exclut la viticulture et il estime que le régime assurantiel, bien que subventionné, ne prend pas en compte la valeur réelle du vignoble.

Autre motif d’insatisfaction : le montant de la franchise, cette part de pertes restant à la charge de l’agriculteur, « passée de 10 à 20 % », précise-t-il.

Il destine deux tiers de sa production à la vente directe, en vrac, à des négoces, pour un chiffre d’affaires annuel d’environ 350 000 euros. Le reste est vendu en bouteilles, plus cher : « On fait 55 000 bouteilles, dont 2 500 d’armagnac, pour des ventes estimées à 400 000 euros. » Même en ayant perdu « la moitié » de sa récolte cette année, il ne regrette pas son choix. « J’ajusterai en faisant plus d’armagnac. Déjà après le gel de 2021, on a sorti quinze références supplémentaires sur le marché – certes, en travaillant jusqu’à 50 heures par semaine », et « on s’y est retrouvé », relate-t-il.

Calcul du rendement

Il conteste les référentiels des assureurs et la loi, qui fixe aujourd’hui le calcul du rendement en prenant en compte les cinq dernières années. Ce calcul dit de « moyenne olympique » est effectivement au centre du problème pour Vincent Piquemal, président des vignerons indépendants d’Occitanie, qui, lui, a fait le choix de s’assurer.

Son vignoble de 40 hectares était « au cœur du nuage » de grêle. « On a tout perdu », dit l’exploitant de Castelnau-d’Auzan. « Je suis assuré, mais mal assuré, à cause du mode de calcul de rendement », explique-t-il.

La « moyenne olympique » relève les rendements des cinq dernières années, retranche la meilleure et la plus mauvaise année et établit une moyenne. « J’ai eu le gel de 2021, avec 85 % de pertes, du gel en 2020, avec 83 % de pertes, une année correcte en 2019, du gel avec 60 % de pertes en 2018 et une bonne année en 2017, avec 100 hectolitres par hectare. Résultat, mon rendement sera essentiellement calculé sur de mauvaises années », détaille Vincent Piquemal.

« Avec les pertes de cette année 2022, ce sera encore pire l’an prochain. Il faudrait établir ce calcul sur au moins dix ans ou retrancher les mauvaises années, qui ne reflètent pas du tout le potentiel d’une exploitation », plaide-t-il, regrettant que la réforme qui entrera en vigueur en 2023 ne prévoit pas, pour le moment, de revoir cette méthode de calcul du rendement – alors que cette réforme est censée inciter les agriculteurs à s’assurer.

Après le gel de 2021, Vincent Piquemal avait touché « environ 130 000 euros de l’assurance », et avait payé 9 000 euros de prime d’assurance pour l’année. « Je continue à m’assurer, parce que je ne veux pas me retrouver sans rien dans une année comme celle-ci », souligne-t-il. « Mais si ce calcul ne change pas, je vais vraiment y réfléchir. »