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En Champagne

Des vignes plus espacées, une révolution


AFP le 29/07/2021 à 15:48

C'est une petite révolution : le Syndicat général des vignerons de Champagne a autorisé jeudi la plantation à partir de 2023 de vignes plus espacées, rompant au nom de la transition « agroécologique » avec une règle datant d'un siècle, mais sans faire l'unanimité.

Jusqu’à présent, le cahier des charges imposait aux viticulteurs de planter des vignes dont l’espacement entre les rangs ne pouvait pas excéder 1,5 mètre. Une obligation qui faisait suite « à la crise du phylloxera », alors qu’« avant les vignes étaient plantées en foule », explique Arnaud Descote, directeur des services techniques du Comité interprofessionnel du vin de Champagne (CIVC). Le nouveau cahier des charges, bientôt en cours de rédaction, autorisera des vignes dites « semi larges », espacées d’entre 2 et 2,2 mètres, et plus hautes, environ 2 mètres contre 1,20 à 1,30 mètre actuellement.

« L’objectif est d’accompagner l’indispensable transition agroécologique en adaptant le vignoble champenois au changement climatique tout en préservant la qualité et la typicité du vin de Champagne ainsi que la durabilité économique des exploitations » affirme Maxime Toubart, le président du SGV (20 000 adhérents, près de 99 % des vignerons). La décision, prise jeudi à Epernay par selon lui « une large majorité » du conseil d’administration du Syndicat, prend acte des résultats d’une étude commanditée par le SGV et menée depuis 2006 en partenariat avec l’Inao (Institut national de l’origine et de la qualité) et le CIVC, qui regroupe vignerons et grandes maisons.

« Expérience concluante »

Selon cette enquête au long cours, des vignes plus espacées permettaient de réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre grâce à l’utilisation de matériel plus performant et efficace que les actuels tracteurs-enjambeurs. Selon l’étude, les vignes semi larges sont aussi plus résistantes aux maladies et aléas climatiques. Elles ont « moins de feuilles et donc, dans un contexte de changement climatique, moins de risques d’attraper des maladies et de les transmettre. L’entretien du sol est aussi facilité », détaille M. Descote.

« Elles résistent mieux aussi à la sécheresse et nécessitent moins d’intrants » souligne Vincent Legras, un vigneron qui expérimente depuis 2007 sur les hauteurs de Chouilly, près d’Épernay, une trentaine d’ares. Une « expérience concluante » dit-il. Avec 4 000 à 6 000 ceps à l’hectare, contre environ 8 000 pour les vignes dites « étroites », la baisse de production est estimée à environ 20 %. Mais les semi larges peuvent, selon les expérimentations menées, produire jusqu’à 12 400 kg à l’hectare, soit la moyenne fixée par l’appellation entre 2007 et 2019 pour satisfaire le marché mondial.

« Extinction du modèle champenois »

Cette remise à jour est toutefois vivement contestée par la CGT-Champagne : « sous couvert de préoccupations environnementales, on met en place une projet économique de réductions des coûts », juge Patrick Leroy, son secrétaire général. L’étude chiffre de fait à 20 % la réduction des coûts de production en raison notamment de la mécanisation plus performante rendue possible. « Ces stratégies sont destructrices d’emplois, entre 20 à 25 % en moins sur les quelque 10 000 emplois de la filière » estime Patrick Leroy. Il évoque également l’impact négatif sur un paysage dont certains secteurs sont classés au patrimoine mondial de l’Unesco, dénonçant « l’extinction programmée du modèle champenois.

« Cette décision ne vise pas à imposer aux vignerons ce mode de conduite de la vigne mais bien de leur laisser la possibilité de le faire », tempère le président du SGV Maxime Toubart. » La transition se fera sur le temps long, une, deux ou trois générations » ajoute-t-il. « À l’époque, l’imposition des vignes étroites avait aussi changé le paysage viticole », rappelle pour sa part M. Descote. Le SGV a aussi décidé d’introduire une nouvelle variété de cépage, au côté des cépages majoritaires, Chardonnay, Pinot Meunier et Pinot Noir. Après plusieurs années d’études et de test, le choix des techniciens s’est porté sur le Voltis.