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Viticulture

Covid, taxes et Brexit, le cocktail gueule de bois du vin français


AFP le 24/10/2020 à 11:30
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Crise sanitaire, taxes américaines, Brexit : face à une conjoncture historiquement négative, le vin français a la gueule de bois avec un recul historique des ventes depuis les vendanges 2019, aussi bien à l'intérieur du pays qu'à l'exportation.

Particulièrement touché, le vin rouge a vu ses ventes reculer de 5 % en volume et en valeur en grande distribution en France sur la « campagne » viticole qui s’étend du 1er août 2019 au 31 juillet 2020, soit d’une vendange à l’autre, selon France AgriMer, l’organisme semi-public qui régit les marchés agricoles.

Seuls les blancs et rosés ont résisté au choc, avec des hausses respectives de 0,9 % en valeur sur les blancs et de 1,2 % pour les rosés en grande surface sur la même période.

De début mars à fin mai, lorsque toute la population était à la maison, les ventes en grande distribution ont légèrement progressé en volume (+1,1 %), hors effervescents. Mais les Français confinés ont acheté des vins moins chers qu’au restaurant et le chiffre d’affaire du secteur a reculé de 3,1 %.

Idem à l’étranger : les exportations ont chuté de 18 % en valeur de janvier à août 2020 par rapport aux huit mois comparables de 2019, selon FranceAgriMer.

En ces périodes peu festives, les bulles (champagne et crémant) sont les plus touchées avec des exportations en recul de 22 % en volume et de 28 % en valeur sur la période. Celles de vins tranquilles se sont affaissées de seulement 6 % en volume et 13 % en valeur.

Sur la « campagne » viticole août-juillet, la chute des exportations s’élève à 10 % au total, tous vins confondus.

C’est la première fois depuis 2008-2009 qu’une baisse « aussi marquée » intervient sur le marché de l’exportation des vins, traditionnellement deuxième contributeur à la balance commerciale française derrière l’aéronautique, selon FranceAgrimer.

Un coup dur pour une filière qui, si elle n’utilise que 3 % des surfaces cultivées du pays, pèse pour 15 % de sa production agricole et génère près de 500 000 emplois, directs et indirects.

En cause : la fermeture des restaurants quasiment simultanément dans de nombreux pays du monde, où les bouteilles françaises représentent une bonne partie de la carte des vins; l’imposition de taxes de 20% aux États-Unis depuis octobre 2019 sur les vins tranquilles de moins de 14 degrés ; et des incertitudes liées au Brexit, la Grande-Bretagne étant l’un des premiers clients de la France viticole.

Allègement de charges, aides à la dégustation

Pour éviter l’effondrement du marché, une série de mesures de soutien a été décidée, à commencer par 246 millions d’euros d’aides à la distillation de crise financées sur fonds européens et français. Le vin en excédent transformé en alcool a notamment servi à fabriquer du gel hydroalcoolique.

FranceAgriMer a également confirmé vendredi la mise en place d’une aide au stockage, pour 40 millions d’euros.

Les viticulteurs ont aussi demandé, jusqu’ici sans réponse, la création d’un fonds de compensation pour combler les quelque 500 millions d’euros de préjudice qu’ils estiment avoir subis depuis l’imposition de la « taxe Trump » aux États-Unis en rétorsion à un conflit aéronautique.

En revanche, les députés ont adopté mercredi soir, contre l’avis du gouvernement, un amendement prévoyant un allègement de leur charges sociales patronales, lors de l’examen en première lecture du projet de budget de la sécurité sociale.

Le texte prévoit notamment un allègement de 100 % pour les entreprises dont le chiffre d’affaires a baissé en 2020 d’au moins 60 % par rapport à 2019.

Le ministre des Comptes publics Olivier Dussopt a déjà justifié l’opposition du gouvernement en indiquant notamment qu’il y aurait une « occasion d’aller plus loin » avec le prochain projet de loi de finance rectificative pour 2020.

Lot de consolation, le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie a annoncé jeudi une prime de 1500 euros pour l’organisation de dégustations sur les marchés export.

Et le conseil des ministres de l’Agriculture européen a accepté cette semaine de sauvegarder jusqu’en 2040 (au lieu de 2030) le système des « autorisations de plantation de vigne », dernier système de « quota » de production agricole existant en Europe depuis l’abolition des quotas laitiers et sucriers.