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Académie d'agriculture de France

Pourquoi les agriculteurs devraient-ils s’intéresser à leurs paysages ?


Pierre DONADIEU, membre de l'Académie d'Agriculture de France le 08/09/2022 à 08:29

(©Getty Images)

En produisant des biens alimentaires et énergétiques, les agriculteurs approvisionnent le monde. En même temps ils produisent les paysages agricoles ; mais ceux-ci sont des sous-produits de leurs activités, appréciés par les uns, dépréciés par les autres, selon les cas. Pourquoi et comment les agriculteurs pourraient-ils contribuer à façonner les visages de leur territoire mieux qu'aujourd'hui ? De quelles façons les politiques publiques sectorielles, comme l'agriculture ou la biodiversité pourraient-elles s'inscrire dans les finalités des politiques publiques transversales comme celles du paysage ? Le point avec l'Académie d'agriculture de France.

Environnement ou paysage ?

Il y a deux façons de comprendre un paysage agricole :

  • Si ce qui est perçu par la vue est réduit à des objets matériels (champs, troupeaux, serres, fermes, bois, sols, routes et cours d’eau), cette vision relève de l’environnement explicable par les sciences physiques, naturelles, sociales, agronomiques et forestières, et à ce titre modifiable. Cette connaissance scientifique et technique permet en effet d’agir et de conduire un projet d’agriculture ou d’élevage ; de limiter les risques pour la santé de l’environnement et celle des hommes et d’adapter les productions agricoles et agroalimentaires aux transitions climatiques et agroécologiques en cours.
  • Si ce qui est perçu est réduit aux impressions, sensations et jugements de chacun, spectateur ou acteur d’une scène agricole, si l’on oublie un instant la réalité matérielle analysées par les scientifiques, cette perception relève du paysage. Cette connaissance mentale et corporelle varie selon l’interprétation qu’en donne la culture de chacun, selon ses dispositions affectives et morales et le moment de l’expérience. Elle est le plus souvent insaisissable, et pourtant elle est partagée par les habitants d’une commune rurale, au sens de prendre part à des sentiments collectifs de plaisir, d’indifférence ou de méfiance.

Les agriculteurs peuvent-ils relier environnement et paysage ? Oui, en tenant compte autant de leurs propres regards que de ceux des publics, car – sauf à soustraire les scènes agricoles aux regards des autres (ce qui est possible mais difficile) – les paysages agricoles sont visuellement accessibles à tous depuis les routes et d’autres lieux publics ou privés. D’autres points de vue que ceux des agriculteurs créent alors des paysages imaginaires, avec des valeurs esthétiques et éthiques très variées : étonnement, admiration, inquiétude, perplexité, désarroi ou impuissance.

Certes, mais l’agriculteur n’est-il pas le maître exclusif de ses paysages ?

Tenir compte du regard d’autrui ?

Chaque agriculteur fabrique lui aussi ses paysages avec les scènes de son environnement, avec les champs et les troupeaux, les siens et ceux des autres. Il regarde avec attention chaque jour l’évolution de ses récoltes à venir ; il guette les prévisions de la météo, les signes de maladies sur les vignes, les vergers, les céréales et les animaux ; il se réjouit ou s’inquiète, s’émerveille ou s’attriste.

Il confond naturellement paysage et environnement agricoles : ce sont ses paysages, son milieu de vie. Il voudrait en vivre bien, avec sa famille, mais la météo, les prix du marché, les maladies des cultures et des troupeaux ou les variations imprévues des aides publiques en décident fréquemment autrement. Pourquoi tenir compte des regards souvent indifférents des passants ?

N’a-t-on jamais vu un randonneur venir critiquer un agriculteur parce que les paysages ne lui plaisent pas, ou inversement le féliciter du charme de son exploitation ? N’est-il pas inscrit dans la Constitution française, que l’État garantit le droit de pleine propriété au même titre que la liberté, et avec le code rural le droit des baux agricoles ?

Tout entrepreneur agricole dispose de la liberté d’user de la terre qu’il cultive comme il l’entend, à condition de ne pas nuire à autrui. S’il entend agrémenter le décor et favoriser la faune sauvage, parce que les pouvoirs publics le souhaitent et financent les frais, libre à lui de participer ; c’est ce qui se passe pour les plantations de haies. […]

Vivre avec son voisinage

Bien des exploitations agricoles dans le monde ont compris l’intérêt de s’ouvrir au public, le plus souvent pour vendre des produits avec un meilleur bénéfice qu’avec un revendeur ; c’est ce qui se passe dans les régions périurbaines avec les ventes à la ferme, mais beaucoup plus rarement loin des villes. On l’observe également avec les accueils d’agritourisme, de gîtes à la ferme et de chambres d’hôte pour le tourisme rural. C’est une conséquence de la nécessité économique de diversifier les revenus d’une exploitation.

Mais si les paysages trop monotones ne sont pas attractifs, si leur réputation paysagère n’en fait pas des lieux d’intérêt touristique, cette clientèle capricieuse ne viendra pas. Ce qui peut être un point de vue souhaité, légitime, d’un entrepreneur agricole.

Mais on peut défendre un point de vue différent.

Dans beaucoup de collectivités rurales, les habitants des villes et des villages ne sont pas indifférents à la qualité de leur environnement et de leurs paysages. Grâce aux Conseils départementaux, les sentiers de randonnées pédestres et cyclistes se développent, les Offices de tourisme informent sur les hébergements ruraux et urbains et les centres d’intérêts pour les visiteurs : pêches, chasses, animations festives, patrimoines naturels et historiques. […]

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