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Tribune libre

Nourrir l’humanité ou préserver la planète ?


Léon Guéguen, membre émérite de l'Académie d'agriculture le 26/06/2019 à 13:46
AAF

(©Académie d'agriculture de France)

Nourrir l’humanité ou préserver la planète ? Est-ce vraiment un dilemme et ces deux enjeux vitaux sont-ils incompatibles ? Peut-être pas, mais de nombreuses antinomies peuvent être relevées et sont préoccupantes, notamment pour ce qui concerne les modes de production agricole et les modèles alimentaires.

Selon la FAO, il faudra augmenter la production alimentaire de 50 à 70 % pour nourrir toute la population mondiale en 2050. L’enjeu est déjà difficile car actuellement plus de 800 millions de personnes ont faim et 2 milliards de plus sont mal nourris (carences diverses causant des maladies). Or, cela risque de ne pas s’arranger puisque, selon les prévisions, il faudra nourrir de 2 à 3 milliards de bouches en plus.

Pour relever ce défi, plusieurs conditions requises sont indépendantes de l’agriculture : un meilleur contrôle de la croissance démographique, notamment en Afrique ; un accès plus facile à la nourriture (obstacles de la pauvreté, de l’éloignement, du manque de moyens de transport, de l’insécurité, des conflits…et des catastrophes naturelles) ; une forte diminution des pertes et gaspillages qui correspondent à 30-40 % de la production alimentaire.

A défaut de pouvoir agir rapidement sur ces facteurs, notamment les deux premiers, il faudra produire plus, mais comment ? ou consommer moins, ou les deux !

Nourrir près de 10 milliards de Terriens dans un proche avenir reste un défi majeur pour l’agriculture. Pour relever ce défi, il sera possible de produire plus en adoptant partout de bonnes pratiques agronomiques et en appliquant les progrès de la génétique végétale, dont les biotechnologies qui devraient être à terme acceptées par la société. Produire mieux sera aussi possible en réduisant significativement l’usage des produits phytosanitaires, mais sans les supprimer.

Cependant, la fertilisation chimique des sols restera nécessaire, soit par un minimum incontournable d’engrais minéraux d’origine fossile, soit par des engrais organiques provenant en majorité de l’élevage, et particulièrement, pour les grandes cultures, de l’élevage intensif hors-sol. C’est pourquoi une forte transition alimentaire consistant à consommer beaucoup moins d’aliments d’origine animale et donc à sacrifier une partie de l’élevage, notamment de l’élevage intensif, ne serait pas compatible avec le développement d’une agriculture productive et durable. Maintenir, voire améliorer, la fertilité des sols cultivables, n’est-ce pas aussi préserver à long terme une planète capable d’assurer la survie de toute sa population ?

(©Académie d’agriculture de France)

https://www.academie-agriculture.fr/

 

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