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Procès Monsanto

Monsanto, nom controversé et multinationale florissante


AFP le 11/08/2018 à 17:14

Un nom controversé, des bénéfices florissants : portrait du géant agrochimique américain Monsanto, qui devra payer près de 290 millions de dollars à un jardinier américain pour ne pas avoir informé de la dangerosité de son herbicide Roundup.

Rien n’illustre mieux la bonne santé financière de Monsanto – dont le bénéfice net 2017 a dépassé 2 milliards de dollars, pour un chiffre d’affaires de près de 15 milliards – que les efforts déployés par le groupe de chimie et pharmacie allemand Bayer afin de le racheter en juin dernier.

Après avoir relevé à trois reprises son offre, Bayer a finalement mis plus de 60 milliards de dollars sur la table pour avaler une entreprise parfois surnommée « Monsatan » ou « Mutanto » par ses détracteurs, pour qui elle incarne toutes les dérives de l’agrochimie.

Une fois la mégafusion bouclée, le groupe allemand a rapidement fait savoir que la marque Monsanto devrait être abandonnée. Créé en 1901 à Saint-Louis, dans le Missouri (centre), Monsanto a d’abord produit de la saccharine, un puissant édulcorant, puis s’est lancé dans l’agrochimie à partir des années 1940. Il a notamment été associé à la fabrication, avec d’autres groupes chimiques, du défoliant connu sous le nom « Agent Orange », utilisé massivement par l’armée américaine pendant la guerre du Vietnam. Son herbicide vedette et polémique, le Roundup, est lancé en 1976, puis Monsanto met au point la première cellule de plante génétiquement modifiée avant de se spécialiser dans les OGM.

Les premières semences génétiquement modifiées, conçues pour résister au même Roundup, sont commercialisées à partir des années 90. Le Roundup contient du glyphosate, substance très controversée et qui fait l’objet d’études scientifiques contradictoires quant à son caractère cancérigène. Herbicide le plus utilisé au monde sous diverses marques, depuis que le brevet détenu par Monsanto est tombé dans le domaine public en 2000, il est aussi accusé d’être néfaste pour l’environnement et de contribuer à la disparition des abeilles, ou encore d’être un perturbateur endocrinien.

Avant sa condamnation vendredi par un tribunal de San Francisco, dont il entend faire appel, Monsanto avait accepté en 2012 un règlement à l’amiable de 93 millions de dollars avec une localité, Nitro, de Virginie Occidentale (est). Nitro avait abrité dans les années 50 et 60 une usine produisant l’ingrédient principal de l’Agent Orange. Les responsables de la municipalité accusaient cette usine d’être la cause de problèmes de santé de leurs administrés.

En France, la justice a condamné en appel en septembre 2015 le groupe américain à indemniser un agriculteur, intoxiqué en 2004 par des vapeurs émises par un autre produit de Monsanto, le Lasso (contenant de l’alachlore), interdit dans plusieurs pays depuis. Monsanto s’est pourvu en cassation.

L’autorisation de cultures d’OGM dans l’Union européenne a suscité polémiques, controverses et batailles juridiques au long de ces vingt dernières années. Aux Etats-Unis, des agriculteurs ont été déboutés à plusieurs reprises par la justice dans des tentatives pour contester les cultures de semences OGM de Monsanto.

En 2017, un tribunal citoyen informel de cinq juges professionnels formé à La Haye (Pays-Bas) a jugé la firme coupable du crime d’« écocide », un avis purement consultatif destiné à alimenter les lois existantes, notamment via la création d’une jurisprudence au sein du droit international. Selon ce « Tribunal Monsanto », « les activités (du groupe) causent des dommages aux sols, à l’eau et de manière générale à l’environnement ». Monsanto avait dénoncé une « mise en scène (…) anti-technologie agricole et anti-Monsanto » niant notamment « les preuves scientifiques existantes ». Le groupe emploie aujourd’hui 20 000 employés à travers le monde.