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Académie d'Agriculture de France

Les trois missions confiées aux agriculteurs du XXIe siècle


André NEVEU, membre de l'Académie d'Agriculture de France le 22/07/2021 à 06:46
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©Hespress français

Alors qu'il est demandé aux agriculteurs de poursuivre leurs efforts en matière de production, la société réclame également la satisfaction de nouveaux objectifs environnementaux, alors même que l'activité agricole est bien mal rémunérée. L'Académie d'agriculture de France fait le point sur les trois grandes missions confiées aux agriculteurs du XXIème siècle.

En ce début de siècle, trois grands ensembles de missions sont assignées aux agriculteurs :

  • Offrir une alimentation suffisante et saine à l’ensemble de l’humanité.
  • Contribuer activement à la lutte contre le réchauffement climatique et protéger l’environnement.
  • Assurer un revenu convenable à leurs familles.

Personne ne peut contester l’importance de chacune de ces missions prise isolément.

Le problème est que les objectifs à atteindre sont en partie incompatibles. Il faudra donc procéder à des arbitrages pour en conserver l’essentiel, tout en acceptant certains sacrifices.

Nourrir 9,8 milliards de personnes en 2050

C’est environ 2 milliards de personnes en plus qu’actuellement (soit +25 %) qu’il va falloir nourrir, sachant que près de 700 millions de personnes souffrent toujours de la faim. Une poursuite de l’augmentation de la production agricole est donc nécessaire. Celle-ci pourrait néanmoins être limitée :

  • en réduisant les pertes et gaspillages,
  • en luttant contre l’obésité qui progresse sans cesse,
  • et en diminuant la consommation de viande au profit des légumineuses.

On pourrait également renoncer à transformer de grandes quantités de céréales et d’oléagineux en éthanol et en diester. On sait aussi qu’il convient d’éviter d’étendre les zones cultivées aux dépens des grandes forêts tropicales qui constituent d’importants pièges à carbone et d’utiles régulateurs climatiques : c’est donc, pour l’essentiel, sur les 1 550 000 hectares actuellement cultivés qu’il faudra compter pour satisfaire les besoins futurs de l’humanité. Devraient s’y ajouter environ 3 millions d’hectares de pâturages naturels souvent peu productifs.

Il n’est donc pas question de réduire l’intensification des cultures, bien au contraire. Il faudra même l’augmenter dans les régions où elle est toujours faible, comme dans de nombreuses régions d’Afrique subsaharienne ; il faut aussi y améliorer des méthodes agronomiques encore souvent basées sur une agriculture très extensive avec de longues périodes de jachère. Surtout, le potentiel génétique de nombreuses plantes cultivées dans ces régions reste médiocre, la recherche les ayant longtemps laissées de côté. C’est le cas du mil, du sorgho, du manioc et de la plupart des tubercules comme l’igname ou le taro ; ce sont pourtant ces plantes qui assurent l’essentiel de l’alimentation des populations. Il est donc urgent de procéder à ces améliorations. […]

Lutter contre le réchauffement climatique et protéger l’environnement

Gérer son exploitation « en bon père de famille » afin de préserver la fertilité du sol cultivé, constitue une servitude à laquelle les agriculteurs du monde entier se sont toujours soumis : c’est la condition de la pérennité de l’activité agricole dans toutes les sociétés de paysans sédentaires.

Mais au XXIe siècle, la lutte contre le réchauffement climatique génère de nouvelles obligations pour tous, consommateurs ou entreprises, et l’activité agricole ne fait pas exception.

Car en émettant près de 14 % des gaz à effet de serre dans l’atmosphère (et même le double si on ajoute les industries d’amont et d’aval), l’agriculture contribue de manière significative au réchauffement climatique : elle émet en effet du gaz carbonique, des dérivés de l’azote et du méthane, ce dernier étant produit par les ruminants et les rizières.

Les agriculteurs sont donc fortement encouragés à réduire ces diverses émissions ; ils peuvent notamment supprimer le labour et réduire le nombre de passages d’engins sur le sol. Les techniques de l’agroécologie doivent permettre de progresser dans ce domaine sans trop sacrifier les rendements des cultures. Les agriculteurs sont aussi incités à stocker le gaz carbonique dans le sol, par exemple dans les prairies permanentes ou les bois et forêts. […]

Assurer un revenu suffisant aux agriculteurs

La pérennité de l’activité agricole implique que les agriculteurs et leurs familles disposent d’un revenu comparable à celui des autres catégories professionnelles. C’est, le plus souvent, loin d’être le cas. La revendication du juste prix des produits agricoles est très ancienne, mais jamais satisfaite : à quel niveau fixer ce prix alors que les structures d’exploitations, les productions, les modes de faire valoir et les systèmes commerciaux sont extrêmement variables d’une région à l’autre et d’un pays à l’autre ?

Face aux négociants, aux industriels et à la grande distribution, les agriculteurs –même groupés en coopératives – sont bien démunis pour obtenir une augmentation de leurs prix de vente. C’est un combat difficile alors que les pouvoirs publics, a priori favorables, souhaitent aussi des prix bas pour les consommateurs les plus modestes.

Dans les pays riches comme les États-Unis ou le Japon, les agriculteurs bénéficient depuis longtemps d’aides publiques conséquentes. De même en Europe, la Politique Agricole Commune avait (dans sa première version) instauré des prix intérieurs élevés et une protection aux frontières, assortis de quotas d’importations. Mais à partir de 1992, face aux critiques des pays concurrents, ces protections ont peu à peu disparu pour être remplacées par des aides budgétaires directes ; néanmoins, ces divers soutiens financiers ou réglementaires ne permettent pas à la majorité des agriculteurs d’atteindre le revenu qu’ils seraient en droit d’espérer de leur travail. […]

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