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Bioéconomie

Des filières biomasse à fort potentiel, à condition d’être rémunératrices


TNC le 08/11/2018 à 18:02
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Dans une note d’analyse consacrée à la bioéconomie, AgriDées considère que le développement de l’économie vertueuse de la biomasse, en particulier la valorisation des déchets et coproduits agricoles, « impose une rémunération et une rentabilité » pour les agriculteurs. Le think tank suggère d’intégrer durablement la bioéconomie dans les engagements RSE des entreprises pour valoriser, sous contrat, des volumes plus importants.

La valorisation de la biomasse agricole n’en est qu’à ses débuts ! Dans une note d’analyse dédiée, le think tank AgriDées estime que les politiques publiques doivent inciter, à tous les échelons, les démarches de valorisation de la biomasse en fournissant un cadre simple et approprié pour permettre aux partenaires de développer des filières dignes de ce nom. Car, pour l’heure, la valorisation des déchets et coproduits agricoles reste cantonnée à quelques démarches individuelles ou collectives sur un périmètre local.

Pour un « développement durable de la bioéconomie », cette dernière doit « être économique, rémunératrice, et donc organisée, encouragée par la mise en place ou le fléchage d’outils incitatifs », résume la note du think tank.

Dans certains pays, la bioéconomie fait l’objet d’une stratégie nationale. « Nous avons regardé quelles sont les différences et les convergences des différentes stratégies nationales en Europe », explique Luc Esprit, administrateur d’Agridées. À défaut de stratégie française d’envergure pour développer la bioéconomie, le think tank estime que la « réussite de la bioéconomie tient en trois actions conjointes ».

Une activité à rémunérer, sans aides supplémentaires

AgriDées suggère d’abord de « stimuler la connaissance mutuelle des acteurs ». « Les acteurs ne se connaissent pas forcément. L’idée est qu’il puisse y avoir des plateformes pour identifier les acteurs et les connecter », explique Luc Esprit. « Les collectivités territoriales pourraient en constituer le centre, avec les outils consulaires : chambres d’agriculture, chambres des métiers, etc. »

« Les collectivités locales pourraient ainsi accompagner les acteurs en les mettant en relation avec la demande locale. Ils pourraient mettre en place un jeu d’indicateurs et un arbre de décision intégrant les objectifs et les réalités économiques, territoriales, sociétales et environnementales. »

Surtout, le développement de la bioéconomie ne sera une réalité économique que si elle offre « une rémunération et une rentabilité ».

« La bioéconomie doit être une source de revenus complémentaires, sans tenir compte des soutiens publics », poursuit Luc Esprit. AgriDées n’est cependant pas favorable à une augmentation des soutiens publics en faveur de ces nouvelles filières. Le think tank préfèrerait ainsi un développement des « paiements des services environnementaux » (PSE) rendus par les agriculteurs, sans faire appel à de nouveaux financements publics. « Les paiements des services environnementaux, en contrepartie des obligations des agriculteurs, pourraient être imaginés dans un cadre contractuel. Il serait légitime d’intégrer ces PSE dans les démarches RSE (Responsabilité sociale des entreprises, ndlr) des entreprises. »

À défaut d’aides directes supplémentaires, AgriDées propose d’utiliser pleinement le crédit d’impôt pour la recherche et « d’autres outils d’incitation fiscale » pour stimuler l’innovation.

Enfin, l’essor de la bioéconomie ne pourra pas se faire, selon le think tank, sans une stimulation de l’innovation, ni sans une certaine motivation des entreprises. « L’Acta pourrait coordonner un programme de recherche spécifique impliquant tous les instituts techniques agricoles. »

Lever de nombreux freins réglementaires

La valorisation de la biomasse ne doit pas non plus concerner le seul secteur végétal. « Il faut impliquer davantage le monde animal. Il faudrait une « association Chimie de l’animal », à l’instar de ce qui se fait en végétal. Il y a des marges de progrès qui ne sont pas exploitées aujourd’hui. Par exemple, les résidus d’abattoir pourraient être davantage valorisés. »

Selon AgriDées, le cadre réglementaire strict qui régit les sous-produits animaux issus des abattoirs pourrait être assoupli sans remettre en cause les précautions sanitaires pour éviter tout risque lié à l’ESB. « Il s’agit de valoriser des quantités plus importantes de ces coproduits en alimentation animale. Dans la catégorie des produits autorisés pour cet usage, des volumes importants de corps gras animaux sont exportés. De la même manière, de grandes quantités de protéines animales transformées sont aujourd’hui valorisées en aliments pour animaux de compagnie. Dans le contexte du plan protéines visant à renforcer l’autonomie protéique en nutrition animale, il convient de réorienter les utilisations des coproduits animaux autorisés en alimentation animale. »

Plus globalement, il faudrait « accompagner le changement d’échelle, en valorisant, non plus des petites quantités, mais des volumes plus conséquents ». Encore faut-il lever de nombreux freins réglementaires, notamment en matière de transport et de valorisation.

Sans oublier le volet de la communication et de la sensibilisation du grand public. « La bioéconomie, c’est sans doute très bien aux yeux du grand public. Mais concrètement, évoquer la question sociétale est nécessaire dans l’accompagnement de la bioéconomie. » De nombreux agriculteurs pionniers dans la valorisation de la biomasse, notamment via des méthaniseurs, et confrontés à l’hostilité du voisinage à l’égard de leur projet, peuvent en témoigner.