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Jeunes et agriculteurs

Dans de nombreux pays, l’accès à la terre devient problématique


AFP le 18/04/2019 à 13:36

Prix du foncier agricole qui s'envole aux États-Unis, en Champagne ou au Québec, accaparement des terres en Afrique : dans de nombreux endroits du monde, les jeunes agriculteurs ont de plus en plus de mal à accéder à la terre pour s'installer.

L’ accès au foncier figure au premier rang des demandes du « Manifeste 2019 » publié mercredi, à l’issue d’un sommet international réunissant à Paris des responsables d’organisations de jeunes agriculteurs des cinq continents, à l’initiative du syndicat français Jeunes agriculteurs (JA). « La facilité d’accès au foncier est une condition nécessaire pour un véritable renouvellement des générations en agriculture » indique le manifeste. Ceci est d’autant plus important que les jeunes qui s’installent maintenant seront « la première génération à devoir s’adapter au réchauffement climatique » insiste le texte commun. « L’accès est la barrière numéro un », alors que « l’âge moyen de la profession agricole est de 59,5 ans aux États-Unis », a relevé Sophie Ackoff, vice-présidente de la Coalition des jeunes agriculteurs aux États-Unis, lors de la conclusion du sommet de trois jours.

« C’est le prix de l’hectare qui est le plus gros problème », explique à l’AFP Julie Bissonnette, qui préside la branche jeunes du principal syndicat agricole québecois UPA. Exemple les régions viticoles en France où la terre vaut parfois de l’or, comme en Champagne où un hectare de terrain coûte en moyenne un million d’euros.

Afrique, Brésil : risque d’exode rural

À ce prix-là, en cas de transmission ou de succession, les exploitants ne peuvent plus racheter les parcelles qu’ils travaillent, et les jeunes peuvent encore moins s’installer. Au Québec, même si le prix moyen de terrain agricole reste plus modeste, il a quasiment doublé en moins de cinq ans, à 21 000 dollars canadiens l’hectare en 2017 contre 12 000 en 2013, selon Julie Bissonnette. La jeune femme, éleveuse avec son compagnon dans une exploitation de 58 vaches laitières, est « sans terre » :  « Un nouveau modèle qui se développe au Québec », dit-elle. Une certaine forme de spéculation foncière est dénoncée en Nouvelle-Zélande où « de plus en plus d’investisseurs étrangers achètent des terres » et procèdent à des investissements « de plusieurs millions de dollars », dénonce pour sa part Chelsea Millar, membre de l’organisation des jeunes agriculteurs neo-zélandais. En Nouvelle-Zélande, « la taille des fermes agricoles devient de plus en plus grande, et le rêve de posséder sa propre terre devient inatteignable », ajoute-t-elle. « Attention ! » a prévenu Ibrahim Sidibé, président des Jeunes agriculteurs du Mali et membre du ROPPA (réseau des organisations paysannes et des producteurs agricoles d’Afrique de l’ouest).

Si l’accès à la terre devient trop difficile pour les producteurs et les jeunes, il débouchera en Afrique sur un « exode rural et des déplacements massifs » vers les villes ou l’étranger, a ajouté le responsable en dénonçant « l’accaparement de terres » qui a « pris de l’ampleur au Mali », via des investissements internationaux et nationaux délogeant les petits paysans. Il aimerait la création de « villages agricoles » en Afrique où les jeunes pourraient trouver les services nécessaires à la vie quotidienne moderne (accès internet, santé, éducation) tout en continuant de cultiver la terre. « Il faut mettre l’accent sur le milieu rural, pas seulement sur les agriculteurs » a-t-il dit. Le sommet a notamment permis de se rendre compte qu’un instrument financier initialement inventé pour l’Afrique et les pays en voie de développement, le micro-crédit, était maintenant pratiqué aux États-Unis, pour permettre l’installation de jeunes.

« Un programme de micro-crédit a permis l’installation de 20 000 jeunes », selon Sophie Ackoff. Au Brésil, Monica Bufon Augusto, qui dirige la branche jeunes de l’organisation agricole Contag, représentant 15 millions d’agriculteurs cultivant moins de 75 hectares, s’inquiète pour sa part de la politique pro agrobusiness menée par le nouveau gouvernement Bolsonaro. « En trois mois, il a supprimé une cinquantaine d’organismes de concertation où nous siégions, le taux d’intérêt des prêts bonifiés à l’installation a augmenté, et une réforme des cotisations sociales est en cours, qui risque d’avoir un impact très négatif sur les agriculteurs et de décourager beaucoup de jeunes », a-t-elle dit à l’AFP. « Cette réforme va encourager les gens à partir en ville et à délaisser l’agriculture »,  a-t-elle ajouté.