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Protection des plantes

Biocontrôle, immunité végétale… : des alternatives prometteuses à la chimie


Salons agricoles  le 20/02/2018 à 10:37
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La protection intégrée des plantes pour lutter contre les bioagresseurs, tel est le défi de l’agriculture du XXIe siècle. Lors du colloque sur l’innovation céréalière "Phloème" qui s’est tenu, les 24 et 25 janvier 2018 à la cité des Sciences de Paris, les chercheurs ont dressé l’état des lieux des avancées dans le domaine de la protection des cultures. La recherche s'oriente vers une agriculture de qualité, avec moins de chimie, capable de surmonter les maladies et les aléas climatiques.

La thèse de Marie-Odile Bancal étudie les variétés de blé capables de maintenir les rendements malgré une contamination par la septoriose. (©Maccheek)

Dépendance vis-à-vis des produits, accoutumance de certains insectes/végétaux, développement de résistances et enfin impact sur l’environnement : le recours massif à la phytopharmacie dans les années 70 a eu plusieurs conséquences indéniables. À cela, s’ajoute la législation de plus en plus drastique et il devient alors difficile d’agir. Sans oublier la pression des associations écologistes et des consommateurs qui souhaiteraient entre autres supprimer le glyphosate et les néonicotinoïdes. Il apparaît urgent de trouver des alternatives.

L’idée consiste à exploiter les mécanismes naturels de défense contre les agresseurs. L’une des pistes : le recours à un organisme auxiliaire. Par exemple, pour lutter contre la cochenille des citrus, on a introduit dans les parcelles la coccinelle Rodolia cardinalis, friande de ces parasites. Malheureusement, la recherche dans ce domaine se révèle coûteuse, car elle nécessite une étude approfondie de la biologie des populations. En outre, elle ne génère pas de gros profits commerciaux. Cependant, cette méthode plébiscitée à 90 % aux Pays-Bas, puis plus récemment en Espagne convient parfaitement aux cultures sous serre. La température régulée et l’espace relativement fermé assurent un taux de réussite excellent, ce qui n’est pas le cas pour les grandes cultures en milieu ouvert. Actuellement, les scientifiques cherchent à appliquer ce système aux céréales notamment contre la chrysomèle du maïs.

Les derniers travaux, ceux de l’Inra en particulier, ont mis en évidence la relation déterminante entre la diversité des cultures et la résistance aux maladies. Ils ont montré que, suite à l’utilisation massive de la variété de blé Soissons, une sous population de rouille brune, très agressive, est apparue. Mais dès qu’elle a été moins cultivée, l’agressivité de cette souche a fortement diminué : les parcelles étaient moins touchées qu’auparavant. Selon de nombreuses expérimentations, plus les variétés de blé, et les plantes cultivées en général, sont diversifiées dans une région, moins elles subissent d’infections massives. Ainsi, les altises font deux fois moins de dégâts si le colza est associé à une autre plante.

En conséquence, dans la lutte contre les maladies, il ne faut plus raisonner à l’échelle de la parcelle, mais à celle du territoire. La transition vers le biocontrôle implique de considérer le système de production dans son ensemble. Il est essentiel de comprendre les interactions entre plantes, bioagresseurs et organismes régulateurs. D’autant qu’il est impossible d’utiliser un auxiliaire pour combattre un ravageur et de recourir dans le même temps à un pesticide pour en détruire un autre.

L’autre piste très prisée est l’immunité végétale qui consiste à combattre les maladies des plantes en stimulant leurs défenses naturelles. Les végétaux mettent spontanément en œuvre des réactions immunitaires contre les agents pathogènes, mais leur efficacité est limitée dans des milieux offrant peu de diversité.

Il existe deux stratégies pour « booster » le système immunitaire : les éliciteurs, molécules d’origine naturelle qui renforcent les défenses et les micro-organismes bénéfiques (MOB) qui aident la plante à se protéger des maladies. Ces deux technologies ont obtenu des résultats probants contre la septoriose et la fusariose du blé. Il faut cependant prendre en compte l’impact du changement climatique. Dès lors, les biologistes doivent intégrer l’environnement dans leurs études. Le stress hydrique entre autres modifie la physiologie de la plante, et par conséquent sa réponse immunologique. Ce principe d’immunité végétale n’est pas nouveau en soi puisqu’il a déjà été appliqué sur la vigne, lors de la crise du phylloxera, en greffant un porte-greffe résistant. Ce qui change, c’est l’amplitude des recherches. Elles s’étendent aux cultures en milieu ouvert et incluent des conditions de stress abiotique (chaleur, sécheresse, gel, salinité…).

Les éliciteurs (ou SDP) peuvent aussi s’avérer intéressants dans le domaine de l’agriculture raisonnée, car ils permettent de limiter les traitements. Ils déclenchent le système de défense de la plante suffisamment tôt pour éviter le développement de la maladie. Dans l’immédiat, ils sont plutôt utilisés en préventif. Ils ne peuvent pas encore se substituer aux produits phytosanitaires, mais interviennent en complément. Néanmoins, c’est une voie prometteuse : d’ores et déjà, les recherches du RMT Elicitra (regroupant Arvalis, Vegenov et l’Inra) ont abouti à l’homologation d’un SDP contre la rouille blanche du chrysanthème, divisant par quatre le budget phyto.

Par ailleurs, les plantes émettent des composés organiques volatils (COV) qui attirent les insectes herbivores vers les parcelles contenant les plantes cibles. Des recherches en laboratoire tentent d’identifier les composés de synthèse qui joueraient le même rôle que les COV, notamment contre la pyrale, l’un des ravageurs les plus préjudiciables au maïs. En interférant sur son comportement lors de la ponte, la confusion sexuelle semble être une bonne stratégie. La femelle du papillon diffuse ses phéromones, mais le mâle désorienté par toutes ces effluves n’arrive pas à la trouver. Ce système fonctionne très bien en viticulture et arboriculture : les sachets dispersant les phéromones s’accrochent aisément aux branches. Pour l’appliquer aux grandes cultures, il faudra poursuivre les expérimentations et prévoir quelques aménagements. Cette solution est néanmoins encourageante, mais, pour être parfaitement efficace, il faudrait des diffuseurs capables de tenir plus d’une semaine et identifier de nouvelles molécules, car les phéromones demeurent spécifiques à chaque espèce.

La lutte biologique offre des avancées nettement plus conséquentes pour les cultures maraîchères, l’arboriculture et la viticulture. Dans le domaine des grandes cultures, les applications sont toujours plus délicates. Même si aucune solution totalement efficace n’existe aujourd’hui, l’avenir de l’agriculture semble bien être le biocontrôle. Pour preuve : les multiples réseaux créés autour de cette dynamique. Le consortium Biocontrôle regroupe 37 acteurs des secteurs publics et privés et est axé sur le développement de nouveaux produits. L’association Ibma France s’occupe de la diffusion de ces nouvelles substances. L’AFPP gère l’information sur de la protection des plantes et assure les contacts pluridisciplinaires. Le RMT Elicitra travaille sur les stratégies de défense des plantes, la recherche, la veille biologique et soutient de nombreux projets collaboratifs. Les grands groupes agrochimiques tels que BASF, Bayer, Lesaffre et Monsanto, investissent massivement ce secteur. La recherche devient pluridisciplinaire et intègre le changement climatique. La génétique et le biocontrôle apportent des résultats probants, mais souvent partiels. Pour une efficacité comparable à celle de la chimie de synthèse, il sera nécessaire de combiner plusieurs leviers. In fine, l’agriculture dans sa globalité devra évoluer.